L’édito du confinement
L’immense écrivaine féministe Ursula Le Guin décrit régulièrement dans ses nouvelles et romans dits de l’Ekumen une manière de transcender le temps et l’espace qui se nomme le churten. Avec le churten, il est possible pour des paroles d’exister à deux endroits en même temps, même si ces endroits sont séparés par des années-lumière : cela permet des communications instantanées malgré les gouffres de l’espace, et cela ressemble donc peu ou prou à ce que nous vivons depuis le début du confinement (nous nous parlons sans cesse, et nos voix existent dans différents espaces).
Mais avec le churten, de manière plus étrange peut-être, il est aussi possible pour des objets, des vivants ou des corps de faire ce déplacement spatial sans intervalles de temps : une personne est ici – activer le churten la fait être là, ailleurs, très loin du premier lieu.
Pourtant, dans les romans d’Ursula Le Guin (écrits le plus souvent comme si elle était anthropologue dans la société qu’elle fait exister), le churten s’accorde mal aux humains : leur psychisme se dérègle dès qu’ils y sont confrontés. Les femmes et les hommes qui l’utilisent ne parviennent pas à reconstituer le réel dans lequel ils·elles arrivent alors qu’ils·elles n’ont pour ainsi dire pas « voyagé ». Tout se passe comme s’ils·elles avaient un besoin vital du temps du déplacement et de sa durée.
L’expérience que nous faisons actuellement avec l’ESAAA, séparés en lieux confinés, est presque le symétrique de « l’effet churten » d’Ursula le Guin : le temps passe, de grands intervalles de temps passent même. Mais l’espace, lui, reste identique, immobile. Et la diversité des lieux et des formes matérielles n’existe que dans les reflets que nous avons par nos écrans – cette semaine encore, entre autres avec « les confins de l’ESAAA ».
Accrochage 2.0
Voici les accrochages 2.0 de cette semaine de vacances :
- Dans le fond de tes dents de Laure Fanniere (2e Art)
Laure partage un morceau sonore sur un bout de saucisson coincé au fond des dents :
- La Bourgogne, ça vous cogne + Ton 4h avec Bree de Côme Ferrasse (2e Art)
Voici une reprise du ban bourguignon, « l’hymne de la matriarche de patrie » de Côme :
et un morceau drum and bass en l’honneur de Bree van de Kamp :
- Jeu de mains, jeu de vilains de Sarah Brousseaud (3e Art)
Partant de l’usage fréquent de la pâte à sel (avec ses codes couleurs acidulés) pour occuper les enfants en confinement, Sarah a souhaité « passer le temps » et échapper à l’ennui en créant des « formes pour adultes ». Ces dildos colorés ne peuvent servir à leur réelle fonction masturbatoire et deviennent ainsi des sculptures. Mêlant suggestions publicitaires et oniriques, le but recherché est de se projeter des images personnelles et agréables de « ce qui pourrait être », de « ce qu’on pourrait faire » avec ces objets, donc de se raconter des histoires.
– Le projet complet de Sarah peut être consulté en format pdf en cliquant ici.
- Sur l’Île des Maux + Même à distance les liens ont de l’importance de Gwendoline Chamontin (4e Design)
Dans son texte de cette semaine, Gwendoline nous propose de retourner en enfance, tout en mélangeant comptine, poésie et des bribes de réel.
Ses sources d’inspiration : Sur l’Île des Zertes de Claude Ponti, le Livre Disparu de Colin Thompson et Les Furtifs d’Alain Damasio.
– Pour lire son texte complet en format pdf, cliquez ici.

- Participation à l’exposition « Seul~e sur le ventre en retenant ma respiration » – Marine Forestier (5e Art)
Deux des textes de Marine sont intégrés à cette exposition en ligne sur le désir en confinement, organisée par Vinciane Mandrin de l’ENSBA de Lyon → Vous pouvez visiter l’exposition ici : https://whenimout.hotglue.me/
- Glitch de Maëlle Degroote (5e Design)

ARC Jardin
Cette semaine, le jardin de l’ESAAA voyage dans le temps avec ces prises de vue du potager de l’ESAAA datant de 2014 :
Pour enrichir « la planche de culture philosophique » du jardin, voici une conférence donnée par Gilles Clément le 5 février 2009 à l’ENSA Grenoble, nommée « Les jardins de résistance » :
(Merci à Hugo Joao pour le lien ! )
ARC Les 3 Fontaines – FabriC de l’écriture
Dans le salon de l’ARC Haykriture (#Haykriture:matrix.esaaa.fr), une source d’inspiration inattendue vient effleurer les esprits en quête de formes narratives : il s’agit d’un jeu vidéo sous la forme d’un pdf interactif, conçu par Nicolas Weber, ancien étudiant à l’ESAAA et ancien membre de l’ARC, avec le concours de Cyprien Desrez.
– Pour télécharger le jeu en format pdf, cliquez ici.
À la semaine prochaine !















