Voilà, on y est, tout le monde est confiné chez soi, à l’exception des travailleur·se·s du monde réel, celles et ceux de la terre, des usines, des hôpitaux et de tout ce qui tourne autour de nous pour que ça continue de rouler malgré tout.

Et donc voilà, on y est, Internet et ses outils ne sont plus seulement des notions pour startuppers et autres business angels : télétravail, travail collaboratif, communautés virtuelles, etc… Il faut qu’on trouve des moyens de continuer à faire de l’Art et du Design sans se voir IRL.

Mais surtout, on y est, Internet peut redevenir ce pour quoi il à été créé : un moyen d’échanger des informations – quelles qu’elles soient – librement, entre nous, sans personne ou instances de contrôle. Et surtout sans les GAFAMs, à savoir Google, Apple, Facebook, Amazon et autres Microsofts.

Avec cette injonction de rester chez nous qui nous est tombée dessus et surtout l’urgence du dispositif, il aurait été aisé d’opter pour la solution de facilité – on s’envoie des mails sur GMail, on fait des Skype et on se parle via Facebook Messenger – mais ces méthodes de communication limitent aussi nos capacités à faire. Un groupe Facebook même privé est toujours sous surveillance, que ce soit pour des questions de marchandisation des contenus ou de censure.

Benjamin Bayart, dans son excellente conférence « Internet libre ou Minitel 2.0 ?« , le disait déjà en 2007 : l’évolution du réseau l’a fait dériver vers d’autres modèles sociaux et économiques que ceux imaginés à sa création. Certes, Internet est techniquement l’enfant d’ARPAnet, un réseau principalement militaire des années 70, mais philosophiquement, le réseau est la concrétisation d’une idée vieille comme le monde, la mise à disposition du savoir et la communication libre entre tous : déjà vers 1910, Paul Otlet et Henri la Fontaine travaillent à leur projet de Mondaneum afin de réunir en un seul endroit tout le savoir du monde et surtout, la possibilité pour tous d’y accéder. En Juillet 1945, Vannevar Bush écrit As we may think, vision de ce que la recherche scientifique pourrait être au sortir de la seconde guerre mondiale, article qui inspirera les créateurs des réseaux et des protocoles qui sont aujourd’hui assemblés en ce qu’on appelle Internet. Enfin, lorsque la technique commença à se propager dans les foyers via les BBS d’abord, puis la création du World Wide Web par Tim Berners-Lee en 1989, c’est une philosophie libertaire et anti-contrôle qui permis l’organisation du réseau. La Déclaration d’indépendance du Cyberespace de 1996 en résume bien l’esprit : non aux gouvernements et aux entreprises qui tentent d’empêcher ce nouveau monde dont ils ont peur.

Et depuis ? Et bien les fameux GAFAMs ont réussi à prendre le contrôle d’Internet. Et c’est normal, ils ont des solutions qui conviennent à première vue aux plus grand nombre d’entre nous, c’est aisé, tout le monde le fait, allons y.

Mais par ailleurs, en opposition à cela, restent tout un tas d’irreductibles qui ont continué à travailler sur des solutions libres, open-source – le code est disponible en ligne et si techniquement on en est capable, on peut vérifier qu’il n’y pas de faille ou de fuite de données dans le logiciel – et surtout gratuites pour la plupart. Ces gens font ça pour la plupart sur leur temps libre, bénévolement, juste pour pouvoir continuer à être libres sur Internet et permettre aux autres de l’être aussi.

Ces derniers jours, à l’ESAAA, en réunion d’équipe, en « conseil de la pédagogie », on en a bien discuté et on a décidé d’essayer de ne pas céder à la facilité du Facebook-Skype-Gmail.

Nous avons donc mis en place un service nommé Riot.im sur un petit serveur de récupération installé dans les sous-sols du bâtiment Wogenscky aux Marquisats. Riot va nous permettre de rester en contact, de nous envoyer des fichiers, de créer des groupes publics, privés, et sûrement plein d’autres choses… Et nous contrôlerons nous-mêmes nos propres données. Les communications sont cryptées / chiffrées, les fichiers sont stockés sur ce petit serveur, etc… Pas de GAFAM en vue.

Vous recevrez d’ici la fin de semaine les informations nécessaires afin de pouvoir créer un compte et vous connecter à ce service. Des mini tutoriels sur les bases de l’utilisation de Riot sont en cours de rédaction, mais rien de bien compliqué. Nous espérons que vous prendrez plaisir à utiliser ce moyen d’échanger.

Kamel Makhloufi
fabmanager